🧬Quand la biologie entre sur le champ de bataille
La frontière entre le vivant et la machine s’efface peu à peu.
Dans un entretien accordé à Cogs of War, Diane DiEuliis, chercheuse à la National Defense University, explore comment la biotechnologie devient un levier stratégique de défense et un pilier de puissance économique mondiale.
⚙️Des muscles augmentés aux cerveaux optimisés
Les premières applications réellement adoptées seront les plus “simples” : améliorer la performance physique, la récupération, la résistance au stress ou à la fatigue. Les manipulations cognitives ou comportementales viendront plus tard — non pour des raisons techniques seulement, mais éthiques et sociales. Le soldat “amélioré” de 2050 sera d’abord un humain plus endurant, non un cyborg total.
🌍Une guerre bio-économique silencieuse
Pour DiEuliis, la décennie à venir sera marquée par une compétition mondiale pour la bio-économie : produire des matériaux, carburants, médicaments ou textiles issus du vivant!
Les nations capables de maîtriser la donnée biologique – le biodata – domineront les chaînes de valeur. La Chine, l’Europe et les États-Unis sont déjà engagés dans cette course, où la souveraineté passe par la maîtrise des micro-organismes autant que des micro-processeurs.
đź§± De la bio-usine au bio-ciment
L’armée américaine expérimente déjà :
- un bio-ciment pour les pistes d’atterrissage ;
- des microbes extracteurs de métaux rares ;
- des produits chimiques bio-fabriqués pour les munitions.
Ces innovations, d’abord militaires, pourraient transformer la construction civile et la logistique industrielle. La Défense devient ainsi un accélérateur involontaire de la bio-industrie américaine.
⚠️Des promesses… et des périls
Le Congrès américain reconnaît désormais la biotechnologie comme capacité stratégique nationale : création d’un bureau dédié, formation d’une main-d’œuvre “biolittérée”, intégration avec l’IA et l’énergie. Mais DiEuliis alerte : il faut penser les vulnérabilités autant que les usages. Car un capteur biologique peut créer des signatures détectables... et une innovation dual-use peut produire un vaccin… ou un agent pathogène.
L’IA, en démocratisant la conception génétique et les laboratoires automatisés, amplifie ces risques.
🧠L’enjeu du siècle
Nous vivons le “hype cycle” de la biotechnologie : tout semble possible, mais tout n’est pas souhaitable. La question clé n’est plus si la biologie transformera la guerre, mais comment — et sous quelle éthique.
Dans 50 ans, la puissance d’un État ne se mesurera plus seulement à ses missiles ou à ses réseaux, mais à sa capacité à coder le vivant sans le détruire.
📎Diane DiEuliis, PhD, est chercheuse émérite à la National Defense University.